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Comprendre l'appel de la joie

Comprendre l'appel de la joie

Le 05/05/2025

Marre de la sinistrose qui ne règle rien ? Cultivons la joie qui peut beaucoup ! Elle rend la vie plus légère et savoureuse. Elle ouvre à l’autre quand la tristesse enferme, elle décuple notre énergie et notre créativité. Et pas seulement quand tout va bien. La preuve, des militants pour un monde meilleur s’en font une alliée.

Marie-Pierre Chavel.

Marre de la sinistrose qui ne règle rien ? Cultivons la joie qui peut beaucoup ! Elle rend la vie plus légère et savoureuse. Elle ouvre à l’autre quand la tristesse enferme, elle décuple notre énergie et notre créativité. Et pas seulement quand tout va bien. La preuve, des militants pour un monde meilleur s’en font une alliée.

 

Marie-Pierre Chavel.

© Getty Images.

La perspective de l'été et des grandes vacances qui approchent comble beaucoup d'entre nous. Enfin la liberté, la détente, et peut-être même le soleil ! Vous préférez la pluie ? Pourquoi pas, à chacun ses plaisirs. Ou peut-être est-ce de la joie, voire du bonheur. Quelle différence ? Le plaisir est moins intense. Plus personnel aussi. On pense "mon plaisir", expose le philosophe Charles Pépin en insistant sur le possessif. Le bonheur, lui, est une quête ou un sentiment durable d'accomplissement, de paix avec soi-même et le monde.

 

Pas facile tous les jours ! Entre les deux se situe ce délicieux mélange de satisfaction, de légèreté et de plénitude, que l'on nomme joie. Elle peut être provoquée par des événements extérieurs ou par des expériences intimes d'importance diverse. Elle se manifeste aussi parfois sans raison apparente. À chaque fois, elle nous donne envie de dire, avec un soupir d'aise : "Alors, elle est pas belle la vie ?" Même quand elle surgit, tel un fugace rayon de soleil dans un ciel gris, lors de moments douloureux ou graves. Paradoxe ? "Toute vraie joie est paradoxale", répond le philosophe Charles Pépin pour qui elle est synonyme de "joie de vivre". Et, plus précisément, de "consentement à la vie telle qu'elle est", avec ses difficultés et tragédies. Elle peut donc cohabiter avec les mauvaises nouvelles et les sentiments pesants telles la tristesse ou l'éco-anxiété. Si certaines joies sont muettes (une sorte de jardin secret), une nouvelle génération de militants, notamment pour le climat et la justice sociale, laisse exploser la sienne pour en faire une compagne de lutte.

Sasha Arfeuille

Porte-parole d'Action Justice Climat Paris

À sa voix posée, on ne devine pas sa "rage" devant, entre autres, l'inaction des décideurs face au réchauffement climatique. Pour la contenir, il puise la joie dans son entourage, notamment chez les membres du collectif Action Justice Climat Paris (AJC). "On se soutient. Quand un camarade vit un événement difficile, à côté, on essaye de faire quelque chose de beau et joyeux ensemble." Un de ses plus grands moments de joie ? "Pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, on animait un cortège à Paris avec Planète Boum Boum, notre groupe qui débutait tout juste. La musique a attiré des gens qui sont venus danser. Ils ont fini par écouter des discours politiques. De voir tout ce monde, nos mobilisations qui intéressaient, l'inclusivité qui s'y développait, c'était vertigineux."

Sasha Arfeuille.

Imaginaire de vacances

Dans l'histoire de l'écologie, on trouve les premiers activistes dans les mouvements ouvriers. Ils y dénonçaient les conditions de travail toxiques (fumées, particules de poussière, etc.). C'était pas la joie ! Dans les années 1970, de plus en plus nombreux et avec un niveau d'études élevé, ils cherchent des formes de revendication plus festives. "Les écoféministes étaient sur cette idée de joie et d'expression par le corps, raconte Alexis Vrignon, historien spécialiste des mouvements écologistes en France. Sur le plateau du Larzac en lutte contre l'extension d'un camp militaire, l'été, les hippies donnaient des airs de fête aux rassemblements, renvoyant à tout un imaginaire de vacances, de prendre la route, de convivialité..."

 

Mais il fallait aussi savoir se montrer convaincant, compétent, pour avancer des arguments chiffrés face à un contradicteur, monter des dossiers pour une collectivité territoriale... Bref ! Pour ne pas passer pour des rigolos et reproduire "l'effet René Dumont", comme dit l'historien. Premier candidat vert de l'histoire, René Dumont avait été jugé peu crédible à la présidentielle de 1974 parce qu'il faisait campagne avec un col roulé rouge et sans affiches - il disait ne pas vouloir voir sa "binette" sur les murs - et parce que pour sensibiliser au gaspillage des ressources, il avait bu à la télé "un verre d'eau précieuse, puisqu'avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera". Rien à voir avec les autres candidats cravatés de sérieux...

 

"Militer autrement ou être une quête de respectabilité, selon les groupes, les périodes, les écolos penchent d'un côté ou de l'autre", affirme Alexis Vrignon.

Depuis les années 2010, les jeunes réactivent le répertoire d'actions de leurs aînés (pétition, happening, sit-in, etc.), le dépoussièrent et y ajoutent leur joie collective et politique : elle raconte, dans un beau raffut de musique et de danse, un monde vivable, durable et solidaire, où chacun a sa place et peut agir. "Mais ce n'est pas une joie naïve, nuance Sasha Arfeuille, porte-parole d'Action Justice Climat Paris. On n'oublie pas qu'on traite de sujets sérieux, on peut adapter le ton selon les circonstances."

© Getty Images.

Devenir joyeux

Chaque moment de joie nous dit que le bonheur est possible, selon le philosophe Charles Pépin. Pourquoi s'en priver ! Dans sa conférence*, il nous livre sa "méthode" pour l'apprivoiser :

  • Retrouver son corps, marcher, d'un pas rapide si on peut, respirer... Dans la nature, quand c'est possible.
  • Rester lucide, s'appuyer sur le réel et non sur l'idéal qui dévalorise la réalité.
  • Arrêter de se comparer et se rapprocher de sa singularité.
  • Accepter l'ambiguïté, accueillir le bon et le mauvais de la vie.
Youlie Yamamoto.

Youlie Yamamoto

Cofondatrice des Rosies

Des femmes en bleu de travail, fichu sur la tête, qui chantent et qui dansent... Ce sont les Rosies, un collectif créé en 2019 pour rendre visible la question des droits des femmes dans les mouvements sociaux, partout en France. Leurs outils : des chansons populaires revisitées, des chorégraphies, et surtout une indéfectible joie. "C'est une émotion particulièrement nourrissante et communicative", commente Youlie Yamamoto, cofondatrice. Elle la considère aussi comme un exutoire et un bouclier derrière lequel elle se sent en sécurité. "Nos interventions sont comme une énorme fête qui crée naturellement une ambiance de protection. C'est difficile de venir gâcher la fête", avance-t-elle. Dans les mobilisations pour le climat ou auprès de grévistes, partout où elles passent, les Rosies font un tabac !

Bisou magique

Dans un monde qui s'applique parfois à ne pas tourner rond, la joie peut paraître désuète. Mais c'est ignorer son potentiel, qui fait toute sa beauté. Chez le philosophe Spinoza (1632-1677), elle est perçue comme le passage de l'humain "d'une moindre à une plus grande perfection". Elle participe à l'augmentation de la puissance d'agir. Qui ne s'est pas senti pousser des ailes dans des moments de liesse ? Pour Youlie Yamamoto, porte-parole d'Attac France et cofondatrice des Rosies, "la joie est un pouvoir. Elle sublime notre colère en une émotion positive qui nous rend plus déterminés encore, nous consolide. Elle nous permet d'afficher fièrement ce pour quoi on se bat, de manière plus efficace que l'agressivité ou parfois qu'une banderole, parce qu'elle attire et crée les conditions d'écoute."

Elle a également la faculté de panser les blessures, comme un bisou magique qui réconforte. Elle lie les militants, heureux de ne pas se sentir seuls, chacun avec ses préoccupations. Elle console leurs déceptions - il y en a souvent dans la lutte - et leur permet de tenir physiquement et psychologiquement. Partie intégrante du "care", ces stratégies dans les organisations militantes pour prendre soin de leurs membres (méditation, groupes de parole, garderies pour les enfants, etc.), la joie permet de reprendre en main son destin. Et si on décidait d'être joyeux ?

ÇA C'EST BIOCOOP !

UNE BIO JUBILATOIRE

  • Parce que bien manger est une fête et que consommer bio, ce n'est pas consommer triste, Biocoop s'affiche avec des grands "OUI". Oui à la gourmandise, à la qualité, au choix...
  • Cette campagne de communication est aussi l'occasion de revendiquer un militantisme positif qui ne s'oppose pas au plaisir. Au contraire, ils sont complémentaires. Dire non aux pesticides, c'est dire oui à la biodiversité. Non aux additifs synthétiques ? C'est défendre le goût. Et refuser les prix sacrifiés, c'est proposer une bio accessible grâce aux prix engagés.

Célébrons la vie

À Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en 2023 et 2024, les mobilisations contre les mégabassines et pour le partage de l'eau laissaient une large place aux clowns, fanfares, déguisements, bals en fin de journée, ou encore séances de vaisselle en musique qui attiraient de nombreux bénévoles, rapporte la sociologue Hélène Stevens qui étudie les nouveaux mouvements écologistes. "Ces moments festifs, dit-elle, permettent d'alimenter la ferveur collective pensée comme un instrument de résistance", notamment face à ce que le philosophe Gilles Deleuze (1925-1995) appelait les affectifs tristes. Aujourd'hui, ce serait l'anxiété devant la question climatique qui est minimisée, la criminalisation des militants écologistes (dénoncée par le rapporteur de l'ONU en février 2024), la souffrance au travail, les menaces géopolitiques, etc., tous ces ressentis qui nous rendent atones avec l'impression d'être dépossédés de notre vie, de notre environnement. Et dont on peut penser qu'ils sont, selon la chercheuse, "utiles aux puissants".

 

Les moments joyeux des mobilisations peuvent alors être vécus comme une échappatoire ou perçus de l'extérieur comme une forme de futilité. À Sainte-Soline, Hélène Stevens les voyait surtout comme une pensée politique. "Pour les organisateurs, dit-elle, insuffler de la joie est une manière de célébrer le vivant et de montrer que les militants écologiques sont vivants face aux politiques mortifières des dominants contre lesquels ils se battent."

La société du temps libéré

Qu'elle soit cultivée ou spontanée, comme celle qu'on peut éprouver lors de retrouvailles, cette gaîté est toujours sincère. Parce qu'elle fait partie des revendications. "On veut que nos mobilisations ressemblent à la société que l'on souhaite voir advenir : plus joyeuse, avec une vraie place pour l'art et la culture", développe Sasha Arfeuille, qui ambiance les mobilisations avec slogans et musique électro. On pense alors à la "société du temps libéré" d'André Gotz (1923-2007), figure majeure de l'écologie politique. Il imaginait notre monde avec un temps de travail réduit au profit d'autres activités, et une planète préservée grâce à une baisse de la consommation matérielle et énergétique. La joie est généralement communicative, même si parfois elle agace ou agresse. Peut-elle participer à changer le monde ?

"Elle ne suffira pas pour faire société, estime Hélène Stevens. Mais la cohésion sociale**, que réclament ces organisations, est un enjeu primordial dans un monde qui s'entredéchire." Alors oui à la joie. Cet élan vital malgré l'adversité qui n'a jamais quitté Rosa Luxemburg (1871-1919, révolutionnaire allemande sensible à la beauté de la nature. En prison, toujours gaie, elle écrivait : "Il faut travailler et faire ce que l'on peut, et pour le reste, tout prendre avec légèreté et bonne humeur. On ne se rend pas la vie meilleure en étant amer."

Oriane Laviec.

Oriane Laviec

Administratrice de Biocoop

Avec son sourire souvent accroché en banane, Oriane se dit plutôt joyeuse. Arrivée chez Biocoop en 2018, elle est sociétaire section "salariés" de la coopérative et, depuis le 1er janvier 2024, élue au conseil d'administration. "J'avais des idées, je sentais qu'un nouveau vent soufflait sur Biocoop, on parlait de valeurs fortes. J'ai eu envie de participer", dit-elle sans vanité. Militer la met en joie, parce que "ça procure du sens" et donne le sentiment de se mobiliser corps et âme pour faire avancer le monde dans le sens qui lui semble juste. Avec le conseil d'aministration, elle a pris conscience "qu'on est dix fois plus convaincant quand on est joyeux". Elle fait référence à ce sociétaire de Lille, Benoît Canis, "hyperlumineux et gai", qui ouvre une réunion régionale en disant : "Pendant que des bombes tombent sur l'Ukraine, nous, on va discuter de l'avenir de l'agriculture biologique chez nous."

"Waouh, commente Oriane ! En posant le contexte, il nous rappelle qu'on a la chance de vivre dans un pays en paix, où on est protégés. Et il nous invite à parler des choses importantes pour nous en y mettant de la joie mais en restant lucides et en acceptant l'adversité. Pour moi, ça donne du crédit à tout ce qu'il peut dire derrière." Elle poursuit sur la convivialité et la joie très présentes dans la vie politique de Biocoop, mêmep endant le congrès (celui de 2025 se tient à Montpellier en ce mois de juin), avec ses débats et ses tensions : "Je ressens un appétit pour la vie chez plein de sociétaires, c'est un socle commun."

Pour aller plus loin :

  • La joie, Charles Pépin, Allary Éditions ou Folio. Le roman d'un homme joyeux parce qu'il jouit du moment présent et accepte son existence.
  • Que ma joie demeure, Jean Giono, Éd. Grasset ou Livre de Poche. Bobi, le saltimbanque traversé par la joie, bouleverse la vie des paysans d'un coin de Provence...
  • Avoir 20 ans à Sainte-Soline, dirigé par le collectif du Loriot, dont la sociologue Hélène Stevens, Éd. La Dispute. Portraits et récits.

*"La joie", conférence Tilt, sur YouTube.

**Capacité de la société à assurer le bien-être de tous ses membres, incluant l'accès équitable aux ressources disponibles, le respect de la dignité dans la diversité, l'autonomie personnelle et collective et la participation responsable.

 

Article extrait du n°136 de CULTURE BIO, le mag de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles.

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